« Conversation et éloquence ne sont guère synonymes.
Parler et bien parler sont deux choses. » – Ben Jonson
Dans cet article :
- Ce qu’on entend par « éloquent »
- Pourquoi l’on prétend que c’est un don inné
- Trois pistes pour améliorer son éloquence
IDÉE REÇUE : ON L’A OU ON NE L’A PAS
« La séduction ne s’apprend pas ! C’est une chose innée ! »
Si je réponds avec douceur face à cette certitude, c’est sachant toute la passion avec laquelle ces mots sont lancés : « Malheur ! Si quelqu’un apprenait à me séduire, à jouer avec mes émotions ?! Quid de ma liberté ? » Cette peur est légitime. Mais la peur ne justifie pas tout.
D’autres savent que la séduction s’apprend, mais refusent qu’elle vous soit enseignée : « Personne ne m’a rien appris à moi, j’ai appris tout seul, avec ma personnalité extraordinaire ! Pas question de laisser des incapables se hisser à mon niveau… »
Dans les deux cas, l’idée que la séduction ne s’apprend pas est fondée sur l’ignorance ou la peur.
RHÉTORIQUE ET SÉDUCTION
Les deux affaires sont intimement liées.
Dans les relations comme en PPP, vous avez une personnalité propre, une rencontre et l’envie de vous connecter pour créer quelque chose de nouveau. Dans les deux disciplines, il y a ce petit stress initial, votre savoir-être est déterminant et l’oralité est au cœur des enjeux !
De même, il faut dans les deux pratiques soigner le fond de votre pensée, votre apparence, votre discours, et viser le charme de l’éloquence. Relations et prise de parole sont si semblables que la sagesse et les compétences qu’on acquiert avec l’une entraînent presque mécaniquement des effets bénéfiques dans l’autre.
L’ÉLOQUENCE POUR TOUS
De nos jours, l’Isegoria est loin. Globalement, les forts parlent beaucoup et les faibles se taisent.. Les beaux plaisent beaucoup et les moches se terrent. Enseigner l’éloquence est une révolution. Chaque universaliste y trouvera son compte.
– L’internaute : on pourra travailler le discours, l’élocution et tout, mais l’éloquence ça doit être plus ou moins inné. On pourra progresser mais c’est plus une histoire de paraître. Un peu comme l’humour, n’est pas drôle qui le veut, et c’est pas une question de travail. «
– Votre serviteur : « L’éloquence est toujours en partie subjective. Elle désigne d’abord un effet. Un impact que l’orateur exerce sur son auditoire. Est éloquent celui qui se fait comprendre, celui qui distrait, qui émeut, qui convainc. Est éloquent celui ou celle qui te donnerait une franche envie d’approuver son discours, de plaider sa cause ou de rejoindre son combat !
Certes, l’éloquence va dépendre du contexte et des sensibilités. Mais l’aptitude de l’orateur à comprendre le contexte et les sensibilités de chacun est déjà un axe d’amélioration important !
Bien sûr, l’éloquence n’est jamais garantie. Heureusement que les choses ne sont pas si mécaniques. D’ailleurs, au fond d’eux, ceux qui aimeraient que l’éloquence ne puisse pas s’apprendre ont souvent une forte crainte d’être manipulé.
Or quand on se penche sur la rhétorique, sur la psychologie de la communication, on s’aperçoit qu’il y a des mécanismes, des lois, qui régissent nos attentes, nos perceptions, notre compréhension, notre jugement et nos réactions.
Ces lois permettent de perfectionner notre « ethos » (image, réputation, rapport au public), notre « logos » (structuration du discours, choix des thèmes, des mots et des figures) et notre « pathos » (vie émotionnelle du rhéteur et de son propos, connexions humaines, impact affectif). Trois aspects dans lesquels l’apprentissage de la technique va extrêmement loin aujourd’hui.
Plusieurs choses sont rassurantes. D’abord, la Congruence (authenticité, cohérence entre la pensée, le discours et les actes) est un fort facteur de charisme et d’éloquence. Celui qui est pris à mentir, à tricher avec ses émotions, à tromper son monde, finit par perdre son aura et sa crédibilité. Ensuite, la technique ne force pas à mentir, elle peut à l’inverse permettre de mieux connaître ses propres pensées et émotions, d’être plus authentique, de mieux refléter sa véritable pensée qu’une personne timide, maladroite, au discours décousu et aux mots incertains… Et enfin, si en tant que public, nous étudions ces techniques, nous devenons mieux à même d’en déjouer les abus.
CONCLUSION
Aussi je crois qu’il n’y a d’autre choix que d’explorer le sens profond de l’éloquence avant de la réduire à un talent inné. Personne ne naît ni lettré, ni éloquent. L’éloquence s’acquiert par un apprentissage, plus ou moins formel. Plutôt que d’en craindre l’enseignement, il faudrait viser son universalité.
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